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Nous en parlons avec Frank Geerts, expert en charge intelligente chez ElaadNL et représentant des gestionnaires de réseau néerlandais au sein du groupe de travail sur la charge intelligente, partie prenante de l’accord néerlandais sur le climat. |
Il nous fait part de son point de vue sur l’avenir de la gestion intelligente de l’énergie, de la recharge bidirectionnelle et de la stabilité du réseau.
Sa vision est non seulement pertinente pour les Pays-Bas, mais aussi une source d’inspiration pour la Belgique, où des défis similaires se profilent à l’horizon.
Pourquoi la congestion du réseau est-elle un problème si important aux Pays-Bas ?
Frank Geerts : « Notre réseau électrique n’a pas été conçu pour l’électrification très rapide que nous connaissons actuellement. Nous avions autrefois un modèle de consommation prévisible : les usines et les bureaux pendant la journée, les ménages le soir. Avec la demande croissante d’électrification durable, nous constatons aujourd’hui une augmentation de la charge des stations de recharge, des pompes à chaleur et des pics de production par les panneaux solaires. De nombreux câbles dans les zones résidentielles et les entreprises ne sont, en outre, pas adaptés à des puissances aussi élevées. Certaines zones sont donc à la limite et les nouveaux raccordements sont retardés de plusieurs mois, voire de plusieurs années. »
Pourquoi n’étendez-vous pas simplement le réseau ?
Frank Geerts : « L’extension du réseau est nécessaire et constitue une priorité absolue, mais il ne s’agit malheureusement pas d’une solution miracle. La modernisation du réseau à haute tension pourrait prendre 10 à 15 ans et coûter des milliards. Mais nous ne pouvons pas et ne voulons pas attendre. Nous cherchons donc à utiliser plus intelligemment l’infrastructure existante. L’une des solutions les plus prometteuses est la recharge intelligente, qui consiste à recharger les voitures électriques aux moments où il y a de la place sur le réseau. Il peut s’agir de la nuit, lorsque la demande est moindre, ou de journées ensoleillées. »
Comment fonctionne exactement la charge intelligente ?
Frank Geerts : « Avec la charge intelligente, une voiture électrique n’est pas rechargée dès que vous la branchez, mais au moment où l’électricité est la moins chère, quand il y a beaucoup d’énergie renouvelable disponible ou quand le réseau est moins sollicité. La charge intelligente est entièrement automatique, l’utilisateur n’a rien à faire. Et la voiture est suffisamment chargée le lendemain matin, sans pression supplémentaire sur le réseau.
Saviez-vous que l’Européen moyen ne parcourt que 35 kilomètres par jour ? Autrement dit, quelques heures de recharge par semaine suffisent pour alimenter une voiture. Grâce à la charge intelligente, nous répartissons cette consommation sur des périodes où la demande est plus faible. Nous limitons ainsi les pics de consommation, absorbons les pics de production et évitons la surcharge du réseau. »
“La charge intelligente permet de répartir la demande, d’éviter les surcharges et de réduire les coûts.”
Qu’est-ce que la charge bidirectionnelle et pourquoi est-elle intéressante ?
Frank Geerts : « Avec la recharge bidirectionnelle, les véhicules électriques absorbent l’énergie… mais peuvent aussi la réinjecter vers le réseau. Cela va de la fourniture d’énergie au réseau (Vehicle-to-Grid ou V2G) à l’alimentation d’appareils (Vehicle-to-Load ou V2L) ou à l’alimentation d’une maison (Vehicle-to-Home ou V2H). En période de forte demande, les voitures fournissent temporairement de l’énergie au réseau et, en cas d’excédent, elles se rechargent. Les voitures deviennent ainsi de petites batteries mobiles qui assurent la stabilité du réseau.
Le fait que les voitures puissent alimenter temporairement les ménages en électricité, par exemple, lorsque les prix de l’énergie sont élevés, rend le concept très intéressant tant pour les particuliers que pour les entreprises. Les premières voitures commerciales dotées de cette technologie sont déjà sur le marché. »
Quel est le rôle d’ElaadNL dans cette évolution ?
Frank Geerts : « ElaadNL a été fondée par des gestionnaires de réseau pour étudier l’impact de la conduite électrique sur le réseau énergétique et imaginer des solutions. Nous testons la charge intelligente et la charge bidirectionnelle en collaboration avec les constructeurs automobiles, les entreprises de bornes de recharge et les fournisseurs d’énergie. Nous travaillons aussi sur la normalisation : il est essentiel que toutes les voitures, les bornes de recharge et les réseaux communiquent bien entre eux.
L’un de nos projets est un grand laboratoire d’essai, dans lequel nous étudierons les dernières technologies dans des conditions réalistes. Notre objectif est que les Pays-Bas restent un leader mondial dans l’intégration des solutions de transport électrique et d’énergie intelligente. »
Quel est l’impact sur les utilisateurs ? Devront-ils modifier leur comportement en matière de charge ?
Frank Geerts : « La charge intelligente se fait automatiquement en arrière-plan, selon les préférences de l’utilisateur. Aujourd’hui, de nombreuses personnes branchent leur voiture dès qu’elles rentrent chez elles et la charge commence immédiatement. Cela peut entraîner des pics. Avec la charge intelligente, la voiture est également branchée, mais le processus de charge est contrôlé de manière intelligente. Prenons l’exemple des tarifs de charge dynamique : ceux qui veulent charger à 18 heures paient plus cher que ceux qui attendent jusqu’à 23 heures.
En outre, les utilisateurs ont de plus en plus de contrôle grâce aux applications et aux systèmes de gestion de l’énergie. Vous pouvez, par exemple, régler votre voiture pour qu’elle ne charge que lorsque l’énergie solaire ou les prix de l’électricité sont bas, ou pour qu’elle s’arrête de se charger dès que le prix de l’énergie augmente. En fin de compte, l’utilisateur en retire des avantages financiers. »
À quoi ressemble l’avenir de la charge intelligente ?
Frank Geerts : « Nous n’en sommes qu’au début. Dans les années à venir, les stratégies de charge intelligente et la connexion des véhicules au réseau deviendront de plus en plus importantes. De plus en plus de foyers et d’entreprises adopteront aussi des systèmes de gestion de l’énergie (EMS) dans lesquels les voitures électriques, les panneaux solaires, les pompes à chaleur et les batteries fonctionneront ensemble, de manière optimale.
L’avenir ? Des voitures électriques qui ne se contentent pas de rouler, mais qui contribuent activement à un système énergétique durable et stable. La charge intelligente n’est pas un luxe, mais une solution nécessaire pour que la transition énergétique reste réalisable et abordable. »